FAQ - Questions fréquentes sur Aventura IV

Jimmy Cornell répond à des questions sur le concept d’Aventura IV, ses spécificités et ses équipements supplémentaires

Aventura IV est un Exploration 45, un yacht de grande croisière révolutionnaire construit par Garcia Yachting selon les spécifications de Jimmy.

Considérez-vous votre nouveau bateau comme idéal, voire même comme le voilier de croisière parfait ?

Jimmy Cornell : Je dois dire clairement que le bateau que je recherchais quand j’ai conçu mon dernier Aventura ne devait pas être le croiseur « idéal », mais simplement le voilier qui serait aussi proche que possible de mon idéal personnel. C’est ce que j’ai conclu en considérant les résultats de mon dernier sondage sur le sujet, quand j’écrivais :

A l’issue de mon dernier sondage détaillé sur ce sujet, j’ai été contraint d’admettre qu’un bateau idéal pour un navigateur pourrait tout aussi bien être assez éloigné de l’idéal, voire même ne pas convenir, pour un autre navigateur. J’espère pourtant que mon nouvel Aventura s’approchera de l’idéal des autres, tout comme il l’est pour moi.

Vous recherchez cet idéal depuis de nombreuses années. Pourriez-vous en dire plus sur les différentes enquêtes que vous avez menées sur ce sujet auprès de navigateurs de grande croisière au fil des ans ?

Jimmy Cornell : J’ai mené ma première enquête sur la conception des voiliers de croisière en 1978 parmi 50 navigateurs en grand voyage que j’ai interrogés à Fidji.

D’autres enquêtes ont suivi, et j’étais si intéressé par ce sujet et déterminé à définir les caractéristiques essentielles pour créer un tel bateau en repartant de zéro que j’ai questionné 200 skippers participant à la première édition de l’ARC en 1986, pour une enquête intitulée « le bateau de croisière idéal ». Sans surprise, les réponses ont été très diverses et j’ai pensé que j’étais finalement plus éloigné de mon objectif qu’au début de mes enquêtes.

J’ai retravaillé le sujet plus tard lors de plusieurs autres enquêtes, les deux plus pertinentes étant “Global Cruising Survey”, qui fut la base de mon livre World Cruising Essentials (USA) ou World Cruising Survey (UK), et “Voyage Planning Survey”, menée en 2011, au cours de mes recherches pour mon livre Voyages de Grande Croisière.

C’est pourquoi le concept général de mon nouvel Aventura a été basé non seulement sur ma propre expérience accumulée, mais a également été très influencée par beaucoup de choses utiles apprises lors de ces enquêtes et par mes discussions avec des centaines de participants à mes rallyes.

Pour converger vers une solution, j’ai tenté de mixer mes propres idées avec la sagesse concentrée de centaines de navigateurs de grande croisière expérimentés qui ont généreusement partagé leur vision d’un voilier idéal de grand voyage.

Leurs visions différaient beaucoup, mais ils s’accordaient tous sur un point : le choix du bateau adéquat pour un grand voyage est d’une importance tellement capitale que la décision finale ne doit pas être prise à la légère. Malheureusement, beaucoup des bateaux de série ne sont pas adaptés ou sont mal équipés pour un grand voyage, certainement pas pour ceux que j’avais en tête. D’où la décision d’en concevoir un moi-même.

Les plans et le concept de mon nouveau bateau ont suscité beaucoup d’intérêt, et j’ai reçu beaucoup de questions.

Pourquoi l’aluminium ?

Jimmy Cornell : Le premier Aventura était un solide bateau en polyester qui a survécu en 1977 à un échouage de trois heures sur un récif du Caicos Bank, avec seulement quelques éraflures superficielles. Il a été parfait pendant mon premier tour du monde mais pour mon bateau suivant, lancé en 1987, j’ai opté pour l’acier essentiellement parce que, une fois encore, je projetai d’explorer des endroits reculés et je pensais qu’un bateau en métal était plus adapté pour ça.

J’ai réalisé après coup que, même si le métal avait été le bon choix, l’entretien d’une coque en acier pouvait devenir un cauchemar. J’aurais dû évidemment écouter mon ami Erick Bouteleux et choisir l’aluminium, comme il l’avait fait lui-même.

Les 13 années suivantes Aventura III, un OVNI 43 en aluminium (mis à l’eau en 1998), m’a conduit tout autour du monde, incluant l’Antarctique et l’Alaska, et je me suis totalement converti à ce merveilleux matériau.

L’un de ses plus grands avantages par rapport à d’autres matériaux est qu’il forme naturellement une fine mais durable couche d’oxydation sur les surfaces exposées qui empêche toute oxydation supplémentaire. L’oxyde d’aluminium est imperméable et, à l’inverse des couches d’oxydation pour d’autres métaux, il adhère fortement au métal qui l’a généré. S’il est abimé, il se régénère lui-même immédiatement.

Je dois préciser que la coque d’Aventura et toutes les coques en aluminium, ne sont pas faites d’aluminium pur, mais d’un alliage. Ceux utilisés dans la construction navale contiennent du magnésium, et ont une excellente durabilité en eau de mer.

Pourquoi ne pas peindre la coque ?

Jimmy Cornell : Comme pour mon bateau précédent, ma priorité principale était non seulement d’avoir un bateau solide, mais aussi fonctionnel, et dans mon esprit, rien n’est plus fonctionnel et sans entretien qu’une coque aluminium non peinte.

L’un des grands avantages d’une coque alu nom peinte, surtout pour ceux d’entre nous qui n’achètent pas un bateau pour le laisser dans une marina mais pour aller naviguer, et que ce n’est plus la peine de se soucier de sa belle coque étincelante. Comme la plupart des propriétaires le reconnaitront certainement, ces magnifiques coques peuvent devenir une grosse préoccupation lorsqu’on est confronté à des quais bruts, des poteaux couverts de coquillages, ou qu’on est abordé par des officiels peu attentionnés dont les embarcations viennent heurter votre coque sans aucun pare-battage.

En Antarctique, les collisions avec des morceaux de glace étaient pratiquement inévitables, et si nous nous en sommes tirés sans aucune égratignure, il n’en a pas été de même pour certains de nos amis avec des bateaux en polyester.

Pourquoi une dérive centrale ?

Jimmy Cornell : En effet pourquoi ? L’une des premières questions que chacun me pose concerne la sécurité quand on navigue sur un bateau sans quille. Ayant traversé deux fois le passage de Drake vers l’Antarctique, à chaque fois sur un dériveur intégral, et ayant expérimenté au moins à deux reprises des vents d’environ 60 nœuds, et la mer qui va avec, j’ai pu vérifier, et complètement éliminer, tout doute sur la stabilité. Grâce à un lest en plomb de 3,5 tonnes pour un déplacement de 9 tonnes, mon Aventura précédent était aussi stable que n’importe quel voilier de conception traditionnelle. Je dois préciser que l’Aventura précédent tout comme son successeur sont des dériveurs intégraux, ce qui signifie que la dérive est complètement rétractée dans la coque lorsqu’elle est remontée.

En plus du faible tirant d’eau, les dériveurs intégraux présentent de nombreux avantages. Le rôle principal de la dérive est de fournir un appui aux allures de près et de réduire la dérive au bon plein. Mon précédent bateau calait 2,4 m la dérive basse, et, bien réglé, il remontait au vent aussi bien, ou presque aussi bien, que la plupart des voiliers de croisière. Ce que j’entends par bien réglé, c’est que lorsque l’on remonte très près du vent le réglage des voiles est un facteur critique, et qu’il faut garder une bonne vitesse tout en évitant une gite excessive, pour minimiser la dérive. Avec un tirant d’eau de 2,8 m dérive basse, le nouvel Aventura se comporte encore mieux que son prédécesseur.

Naviguer efficacement avec un dériveur intégral demande une certaine technique, non seulement près du vent mais aussi au portant. C’est là que la dérive devient vraiment un atout en permettant de réduire la surface mouillée. La possibilité de relever la dérive graduellement dès que le vent apparent dépasse 135° jusqu’au point où elle est complètement relevée est un avantage important car cela élimine pratiquement le risque d’embardée.

L’absence de la quille, qui se comporte comme un pivot lors d’une embardée potentielle, signifie que le bateau n’aura pas tendance à pivoter comme il le ferait autour de sa quille en pareille situation. J’ai béni cet avantage en maintes occasions, et il m’a permis de garder le spi plus longtemps que je n’aurais pu sur un quillard.

La dérive est normalement relevée quand on marche au moteur dans des eaux calmes et la réduction de la surface mouillée procure une vitesse supplémentaire de 0,3 à 0,5 nœuds.

Pourquoi je considère qu’un faible tirant d’eau est si important ?

Jimmy Cornell : Dans toutes les enquêtes au sujet du tirant d’eau idéal, le consensus était que, alors qu’une quille fixe était peut-être mieux adaptée à une traversée océanique, un faible tirant d’eau était non seulement idéal pour explorer des endroits innaccessibles aux autres, mais aussi plus sécurisant parce qu’il permet de se réfugier dans des coins plus protégés en cas d’urgence.

En effet, l’une des raisons du choix d’un dériveur intégral est qu’il augmente les options de croisière, et pouvoir réduire le tirant d’eau instantanément est un immense avantage. Le fait que la plupart des dériveurs intégraux aient un fond plat signifie qu’ils peuvent, dérive relevée, s’échouer sur n’importe quelle plage, baie soumise à la marée, ou estuaire. Quand la marée descend, le bateau se pose confortablement et, la hauteur de la jupe étant de moins de 1 m au-dessus du fond, l’accès à bord est très facile par l’échelle de bain. Nous nous sommes échoués à de nombreuses reprises, que ce soit pour remettre une couche rapide d’antifouling entre deux marées dans les canaux chiliens, ou pour accéder à une baie peu profonde en Alaska pour observer des grizzly chasser le saumon.

Un autre avantage d’une dérive centrale est qu’elle peut être utilisée pour sonder les fonds d’un mouillage inconnu et peu profond. C’est une technique que j’ai apprise d’un vieil ami, une nouvelle définition du terme « caisse de résonance ».

Pourquoi n’avez-vous pas de régulateur d’allure sur le nouvel Aventura ?

Jimmy Cornell : La raison principale est la présence de l’arceau arrière qui empêche l’utilisation efficace d’un régulateur d’allure. De plus, c’est un bateau d’exploration pour lequel maintenir un cap précis à tout moment est essentiel, et dans de telles situations le pilote automatique est meilleur que le régulateur.

Je veux aussi préciser que, la production d’énergie par des sources renouvelables étant devenue si efficace (j’ai une éolienne et un hydro-générateur, et des panneaux solaires), la consommation électrique d’un pilote automatique, qui justifiait auparavant un régulateur d’allure, n’est plus un problème.

Quelle est la vulnérabilité de vos safrans lors d’une collision ?

Jimmy Cornell : Les deux safrans sont solidement construits en aluminium, chacun étant supporté par un skeg. Un système ingénieux a été trouvé pour protéger un endroit vulnérable lors d’une collision frontale, quand le choc peut pousser la pelle de safran vers le haut, pouvant éventuellement endommager la coque, voire la perforer. La partie haute des safrans est faite d’un matériau composite. Si une collision devait pousser la pelle du safran vers le haut, cette zone sacrificielle se comprimerait sans causer de dommage à la coque elle-même.

Ce système spécial a été validé lorsque nous sommes rentrés en collision avec le bord immergé d’un iceberg lors de notre navigation dans le Passage du Nord-Ouest. Le choc fut si brutal qu’il m’a fait tomber dans le cockpit. Ce n’est que deux semaines plus tard que j’ai remarqué les dégâts depuis l’annexe. La zone sacrificielle a joué son rôle et les dégâts n’étaient que superficiels. Aventura a continué à naviguer comme ça jusqu’au retour au chantier à Cherbourg où la pelle de safran a été retirée pour refaire la zone sacrificielle.

Qu’est-il prévu comme système de barre de secours ?

Jimmy Cornell : Aventura n’est pas équipé du système standard de barre de secours, pour la simple raison qu’il a deux safrans, chacun avec un mécanisme de barre indépendant. En cas d’urgence, il ne faut que quelques minutes pour désengager la barre reliant les deux mécanismes. Il en résulte que les safrans peuvent être utilisés indépendamment l’un de l’autre. Ce système permet également à chaque barre à roue de commander n’importe lequel des deux safrans.

De plus Aventura est équipé de deux pilotes automatiques entièrement redondants, chacun d’entre eux pouvant piloter le bateau avec n’importe quel safran (grâce à la conception expliquée plus haut).

Tout cela démontre que l’Exploration 45 n’est pas un bateau de série comme les autres, mais qu’il est spécialement conçu pour le grand voyage avec une sécurité bien supérieure à celle offerte par n’importe quel autre bateau disponible sur le marché. La conception du système de barre de secours fait partie de cette exigence de sécurité. Est-ce qu’un tel bateau a vraiment besoin d’une barre de secours ?

En fait, il est prévu de pouvoir mettre en place une barre de secours pour ceux qui y tiendraient absolument. Un support universel est fixé au tableau arrière sur lequel il serait possible de fixer un système de secours tel que celui proposé par Windpilot, le fabricant allemand des régulateurs d’allure du même nom. Ce support universel sert aussi à installer l’hydro-générateur Sail-Gen, et peut recevoir un moteur hors-bord en cas d’urgence.

Dans votre livre “Une Passion pour la Mer” vous avez décrit le gréement d’Aventura III comme étant parfait. Si c’était le cas, pourquoi avez-vous fait plusieurs modifications sur votre nouveau bateau ?

Jimmy Cornell : Il y a plusieurs différences majeures entre les deux bateaux :

Aventura III avait un gréement en tête, des barres de flèche non poussantes et une combinaison yankee (un foc à point d’écoute haut) et trinquette à l’avant. C’était un véritable côtre et la combinaison yankee/trinquette était efficace.

Une concession importante que j’ai faite après discussion avec l’architecte et le constructeur du gréement du nouvel Aventura est l’abandon du gréement de cotre en faveur d’une configuration solent autovireur/trinquette.

Naviguer très près du vent est l’un des points les plus faibles d’un dériveur, et cela justifie d’adopter un foc à coupe plate. L’actuel Aventura a un gréement fractionné (7/8) et des barres de flèche poussantes, avec un solent (coupe basse, relativement plat) et une trinquette à utiliser seule dans la brise. Ils ne sont pas conçus pour être utilisés ensemble, comme sur un cotre, bien que j’aie expérimenté cette configuration quelques fois, en enroulant partiellement les voiles.

La performance au vent d’un dériveur avec un fond relativement plat n’est certainement pas son point fort, mais avec les voiles bien réglées et la dérive complètement baissée, nous avons réussi à naviguer à 35° du vent. Lors d’un essai en mer dans la baie de Cherbourg, dans 25 à 28 nœuds de vent, sous trinquette pleine et deux ris dans la grand-voile, nous avons atteint 9,5 nœuds. Je dois dire que le bateau n’était pas encore complètement équipé, mais que les réservoirs d’eau et de carburant étaient pleins. Nous avons donc pu tester l’une des spécificités d’Aventura, les pompes de transfert qui permettent de ballaster rapidement près d’une tonne vers les réservoirs au vent.

Comment votre nouvel Aventura respecte-t-il l’environnement ?

Jimmy Cornell : Je tenais à avoir une empreinte carbone aussi réduite que possible. A ma grande déception, je n’ai pas pu mettre en œuvre mon projet initial de moteur hybride (j’ai une Toyota Prius et j’en suis enchanté), pour la simple raison que les quelques moteurs hybrides développés pour un usage marin ont été considérés inadaptés aux voyages que j’allais entreprendre.

Aucun de mes bateaux précédents n’avait de groupe électrogène, et il n’y en a pas sur le nouvel Aventura. J’ai compensé par des moyens de production d’énergie renouvelable couvrant autant que possible les besoins en énergie. La combinaison d’une éolienne D400, d’un hydro-générateur Sail-Gen, et de 140 watts de panneaux solaires a couvert nos besoins pendant toutes nos traversées.

La meilleure démonstration a été faite lors de la dernière traversée entre le Groenland et l’Angleterre pendant laquelle nous avions un problème avec le moteur et ne pouvions compter que sur les équipements ci-dessus pour fournir toute notre énergie, ce qui ne posa aucun problème.

Toujours avec le respect de l’environnement en tête, les eaux grises et les eaux noires sont traitées par le système de purification Electroscan avant d’être rejetées.

Quelles sont les principales solutions pour la sécurité sur le nouvel Aventura ?

Jimmy Cornell : En premier lieu, la façon dont le bateau lui-même a été construit. La coque est très solide et munie de deux cloisons étanches. La sécurité et le confort ont été une préoccupation majeure dans la conception de certaines caractéristiques d’Aventura, comme la timonerie intérieure offrant une vision sur 270 degrés et un accès aux commandes du moteur et du pilote automatique, ou la casquette de protection du poste de veille sur l’avant du cockpit.

Il y a plusieurs systèmes de secours, comme celui des deux safrans. Sur mon insistance par rapport à la sécurité, et la possibilité d’une collision avec la glace, les safrans ont été construits en aluminium, et non en composite comme initialement proposé, et sont protégés par des skegs.

Pour les mêmes raisons, j’ai refusé le montage d’un saildrive et préféré le classique arbre d’hélice. J’ai aussi préféré conserver l’hélice fixe standard pour le Passage du Nord-Ouest, et je l’ai remplacée par une hélice repliable plus tard.

Le réservoir de carburant journalier peut également être considéré comme un élément de sécurité. J’en ai eu un sur chacun de mes précédents bateaux et le considère comme essentiel pour tout bateau de grand voyage.

Afin de rendre plus facile le déploiement du radeau de survie pour 8 personnes, il est logé dans un compartiment spécial d’où il peut être facilement tiré sur la jupe arrière. A côté de ce compartiment, se trouve un double rouleau pour une ancre arrière et une aussière.

La plupart des bateaux de série n’ont pas de couchettes simples confortables. Est-ce le cas sur le nouvel Aventura?

Jimmy Cornell : L’aménagement intérieur a été soigneusement réfléchi, et j’avais demandé à l’architecte de mettre autant de couchettes de mer qu’il serait possible dans un bateau de 45 pieds. Le résultat est qu’Aventura possède deux cabines doubles et quatre couchettes simples, deux dans la cabine arrière tribord, et deux dans la coursive bâbord près du carré.


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